Fini l’époque où le tatouage général était un signe de rébellion, où il était la marque de la marginalité. Votre expert comptable porte peut-être une jeune vierge qui chevauche un dragon orange sous son costume trois pièces. Allez savoir !
A l’origine c’était le signe d’une appartenance tribale, puis c’est devenu un symbole de virilité. Aujourd’hui, les femmes se font tatouer aussi, jusque dans les recoins les plus intimes de leur anatomie. Si le tatouage est un art, c’est aussi un acte quasi-médical qui consiste à injecter de l’encre à 1 millimètre sous la peau. Une machine à tatouer, ça pique jusqu’à 3500 fois par minute.
Il paraît que lorsqu’on y a goûté, on a souvent envie de recommencer. Les tatouages, c’est com me les terrasses, on en voit partout en été. Ce dévoilement saisonnier est d’ailleurs à peu près la seule manière de constater l’ampleur du récent boom du tatouage. On estime grosso modo aujourd’hui qu’un bon 15% des Suisses sont tatoués, mais dans ce domaine, il est presque impossible de trouver des statistiques fiables, car le tatouage reste aussi un jeu très privé entre le visible et le caché. Davis Le Breton, anthropologue, nous explique : « Le tatouage relève aujourd’hui d’une culture plutôt que d’une mode. Le tatouage, comme le piercing, ce sont des nouveaux bijoux qui ont envahi notre société.
Ce sont des manières d’embellir son corps comme il y a des manières d’apprêter ses cheveux ou d’avoir des boucles d’oreilles. Dans certaines écoles, par exemple, on finit par compter les adolescents qui ne portent ni tatouage, ni piercing. La culture du tatouage a envahi le sport. En l’espace de deux ou trois ans, énormément de footballeurs, de tennismen ont marqué leur corps de dessins relativement importants. Les jeunes générations ont fait du piercing un emblème de leur classe d’âge. On peut dire que le tatouage date du début de l’histoire de l’humanité. La parure du corps pour des raisons religieuses, rituelles, esthétiques ou autres a fait son apparition dès l’origine de la condition humaine.»
Le tatouage est donc une vieille connaissance de l’humanité, mais il a eu quelques problèmes avec la civilisation judéo-chrétienne, même si les premiers chrétiens se tatouaient encore de symboles religieux. Davis Le Breton : « La Bible, par exemple, dit qu’il n’est pas pensable de modifier le corps qui a été un objet de la création de Dieu. Donc, il y a des commandements très précis qui interdisent la parure sous forme d’un tatouage ou autre. La vraie renaissance du tatouage, dans nos sociétés occidentales, date du milieu du 18ème siècle quand les marins de Cool découvrent dans les îles du Pacifique des indigènes pourvus de splendides parures corporelles. Les marins vont s’empresser de les imiter et puis vont diffuser cette culture du tatouage dans tous les ports du monde.
De là, la culture du tatouage va passer du côté des truands et des marginaux, plus tard du côté des milieux ouvriers. Donc, pendant un peu plus d’un siècle, le tatouage va jouir d’une réputation un peu sulfureuse.» Le vrai retour à large échelle du tatouage en Occident s’est fait dans les années 60 et 70. D’abord chez les motards avec les Hell’s Angels, il a été recyclé par le mouvement hippie, les punks l’ont complété avec le piercing et, enfin, presque tout un chacun s’y est mis joyeusement. Le tatouage, aujourd’hui, est une affirmation d’individualité mêlée à une petite goutte de tribalisme, un petit rêve qui ne nous quitte plus.