Le nom en vieux norrois, valkyrja, aussi bien qu’en vieil anglais wælcyrge, signifie littéralement, “celle qui choisit les occis” . Le mot valkyrie est employé par les chercheurs anglo-saxons à la lumière des noms des déesses gréco-romaines de la vengeance et du châtiment, les Fureurs ou les Erinyes, comme de la déesse romaine de la guerre, Bellona.
La valkyrie est, dans les plus anciennes strates de croyance, une déesse des morts représentée par le corbeau.
En même temps que la conception de la valhöll évolue du champ de bataille au paradis des guerriers, l’accent se déplace aussi chez les valkyries. La conception primitive cède le pas aux jeunes filles armées de boucliers, aux vierges guerrières de la terre qui, à l’instar des einherjar, survivent après la mort dans la valhöll. Comme elles l’étaient sûrement autrefois en tant que génie des morts, elles continuent certes d’être étroitement associées à Odin, mais désormais elles ont pour fonction d’intervenir dans la bataille et de décider ainsi du destin; elles deviennent donc des guerrières supra-terrestres qui exécutent la volonté d’Odin.
La valkyrie est à rapprocher de la déesse guerrière celtique, la Morrigan, qui peut prendre la forme d’un corbeau ou de la créature irlandaise Badb qui est à la fois une prophétesse prédisant le destin des hommes sur le champ de bataille et une corneille ou un corbeau.
Le corbeau donne des informations aux valkyries, ce dont témoigne le dialogue entre la valkyrie et le corbeau dans le Poème de Haraldr, composé à la fin du IXème siècle. Voyant un corbeau avec son bec sanglant et de la chair adhérant à ses griffes, une valkyrie lui demanda d’où il venait. L’oiseau lui répondit qu’il avait suivi le roi Haraldr jusqu’à la bataille du Hafrsfjördr où il fut vainqueur de ses ennemis et put ainsi unifier la Norvège.
La prédiction de la prophétesse se réalise aussi par le travail de mains de femmes à la création d’une bannière au corbeau :
“Car les Danois avaient une bannière possédant une merveilleuse propriété, et bien que cela semblera incroyable au lecteur, néanmoins, parce que c’est vrai, j’en parlerai ici pour lui et pour l’amour de la vérité. Car bien qu’elle ait été tissée d’une simple soie très brillante et qu’il n’y ait aucune figure brodée encore, il semble qu’en temps de guerre un corbeau y apparaissait en cas de victoire, ouvrant son bec, battant des ailes, agitant les pattes, mais en cas de défaite, le corbeau était alors calme et en position de chute libre.” (Hrafnhildur Bodvarsdottir, p.111)
Quelquefois, les valkyries-prophétesses couvertes de sang sont perçues telles des tisserandes, comme dans la poésie Darraðarljóð dans laquelle les valkyries prédisent le résultat de la bataille du jour suivant (exemple: la description de la chute de Brian Boru face aux forces vikings à la Bataille de Clontarf, 1014). Le tissage est une fonction absolue tant de la valkyrie que des nornes. Dans Beowulf, la “trame de la victoire” ( wigspeda gewiofu) a été créée par la valkyrie.
La valkyrie qui peut tisser la victoire peut aussi tisser la défaite, car la valkyrie possédait l’art de la stratégie, et cela lui permettait de défaire un guerrier par la terreur, ou de le libérer de ces mêmes liens. Comme les nornes, les valkyries sont intimement impliquées dans le tissage ou le filage du destin des hommes (Skuld est à la fois le nom d’une valkyrie et le nom d’une norne). Pour cette capacité, les valkyries telles les Dises ont été vénérées et honorées par des sacrifices (dísablót) comme dans la saga d’Ynglinga (28).
La valkyrie en vient à assumer un rôle plus bienveillant dans la poésie héroïque, où elles perdent pour une grande part leurs traits démoniques, s’humanisent et sont même capables d’en venir à aimer des mortels. De petites amulettes et des images sur des pierres commémoratives commencent à dépeindre une figure de belle femme, accueillant dans la vie d’outre-tombe, le héros décédé avec une corne à boire.
À ce moment plus tardif, la légende des valkyries, en tant que déesses mineures de la mort, se conjugue avec le thème folklorique de la femme- cygne (c’est-à-dire des femmes qui peuvent prendre la forme d’un cygne, parfois comme le résultat d’une malédiction). Ainsi, comme la femme cygne, la valkyrie est voyagerridalopt ok log , “par l’air et par l’eau.” On sait que le cygne était communément associé au concept d’augure. Voir par exemple l’expression, es scwant mir signifie “j’ai une prémonition ou un pressentiment”.
Si l’on pouvait capturer et garder une vierge- cygne, ou son manteau de plumes (alftarham), il était possible alors de soutirer un vœu de sa part. Ceci est peut-être la raison pour laquelle les valkyries sont associées aux vierges cygnes ou oskmey (vierge choisie), ou peut-être qu’elles tirent ce nom des appelations d’Odinn, Oski ou Wunsc (le vœu). Dans ses attributs, comme chez le dieu romain apparenté Mercure, Odinn est de temps en temps décrit porteur d’une baguette de voeu ( wunsciligerta). Grimm établit une relation entre la wunsciligerta ou l’épine de sommeil avec laquelle Odin jette un sort à Brynhildr et la plonge dans un sommeil magique mais aussi avec le fuseau enchanté sur lequel d’après le conte populaire, les descendants de Brynhildr se piqueront les doigts et seront plongés dans un sommeil de cent ans. Les roches associées aux valkyries Brynhildr ou Kreimhildr sont parfois appelées spilstein ou chreimhildespil, provenant de spille (le fuseau), la pierre était désignée par kunkelstein (la pierre- quenouille).
Le thème de la femme cygne apparaît dans les toutes premières strates des sagas.
-Dans Helreid Brynhildar, un homme nommé Agnar a trompé Brynhildr et ses sept soeurs à son service, en se cachant tandis qu’elles se baignaient puis, en volant leurs manteaux de cygne.
– Dans Volundarkvida, la saga raconte que trois valkyries ont déposé leurs manteaux de cygne pour s’asseoir sur le rivage et filer le lin.
– Dans la saga Hromundars Greipssonar, la valkyrie Kára apparaît en cygne volant au-dessus d’une bataille, transformée par le port d’un alftarham (“le manteau de plume”).
Dans le temps, la valkyrie vierge- cygne évolue vers le personnage de Dornroschen, la Belle au Bois dormant.
Les descriptions de la valhöll d’Odinn décrivent les valkyries comme ses filles adoptives (Odins meyjar), de même que les einherjars (les guerriers choisis par Odinn) sont ses fils adoptifs.
Bien que les sources ne soient pas claires sur ce sujet, la première des valkyries semble avoir été la déesse vane Freyja. Dans les Grímnismál 36 et Gylfaginning 36, Freyja est décrite comme étant la première valkyrie, appelée Valfreyja, “la maîtresse des tués” qui sert la bière aux banquets des ases (Skaldskarpamal 17).
Comme Odin, elle recevait la moitié des guerriers morts au combat, dans son manoir Sessrúmnir, à Folkvang. Mais puisque les femmes passent avant, elle était autorisée à choisir en premier ! Freyja possédait un manteau magique de plumes de faucon qui lui permettait de prendre la forme d’un faucon si elle le souhaitait, ce qui établit une similitude avec les vierges- cygnes ayant “des manteaux de plume” ou des manteaux donnant le pouvoir de se métamorphoser et de voler.
Une idée fausse répandue au sujet des valkyries est qu’elles auraient été des femmes guerrières. Ceci n’est pas fondé car il n’existe pas un seul récit d’une valkyrie en train de combattre et seulement rarement en train de porter une arme. En fait, les femmes guerrières de l’Âge Viking sont surtout un mythe, engendré par des auteurs comme Saxo Grammaticus qui, en tant que prêtre chrétien, était consterné par la liberté relative et le pouvoir social des femmes de vikings dans la vie courante, de sorte qu’il écrivit de nombreuses histoires de femmes guerrières qui reposaient beaucoup plus sur les références dans son éducation classique aux légendes grecques des amazones qu’aux coutumes vikings. Le but de Saxo était de présenter une femme guerrière, puis de créer un héros viril qui la battrait rien qu’avec son aura de virilité et sa beauté.
Dans l’art moderne, les valkyries sont parfois décrites comme étant de belles vierges montant des pégases, ornées de casques et armées de lances. C’est une fausse représentation car le “cheval” de la Valkyrie était un kenning de loup (d’après le texte de la pierre runique de Rök). Contrairement aux stéréotypes, elles ne montaient donc pas des chevaux ailés. Leurs montures étaient plutôt ces hordes de loups qui traînaient au milieu des corps de guerriers morts. Les hordes de loups et de corbeaux, nettoyant les champs de bataille le lendemain, pouvaient grâce à la légende des valkyries avoir été là pour servir de plus grandes causes en étant bien plus que des charognards…
L’origine des Valkyries n’est généralement pas rapportée mais plusieurs valkyries connues semblent avoir eu des parents mortels ou sont issues de la noblesse.